Les oeuvres d’Isabel Michaut sont issues d’ une respiration , elles sont geste harmonieux, né du ressenti de l’air, de l’eau , des formes végétales, animales, minérales , ressenti d’un tout universel, vivant et non-vivant. Ce ressenti, cette intériorisation sensible se livrent dans l’extraversion ; c’est le geste juste, entre vides et pleins et harmonies de couleurs qui caractérise la peinture d’Isabel. Peinture du geste , peinture vivante, peinture d’énergie…
Elle peint comme chantent les oiseaux, comme l’eau dévale et anime la cascade, comme la mer façonne les rochers, ou comme ont évolué les formes de toutes choses, en toute beauté, en toute harmonie, en toute conscience ou inconscience d’être, dans le juste équilibre, naturel …
Gaëlle Guével
« …J’ai cherché sans trêve à dessiner des cimes extraordinaires. L’esprit du Paysage et mon esprit se sont rencontrés et par là transformés, en sorte que le Paysage est bien en moi… »
Shitao (peintre chinois, dynastie Ming)
La nature est le lieu d’une expérience unique : on y ressent l’équilibre du monde, sa vastitude, son unité souveraine et pourtant fragile, ainsi que les forces profondes qui le fondent, le gouvernent ; qui se meuvent en lui et nous traversent pareillement.
C’est cette expérience profonde des espaces paysagers, de l’espace ou des espaces dans le paysage que je choisis d’étudier, en puisant dans le réceptacle des perceptions intériorisées, des sensations, des émotions. C’est également en convoquant la mémoire physique et intellectuelle des lieux qu’une nouvelle forme de paysage voit le jour, celle-ci plus intérieure, traversée des empreintes du monde et de celles, plus intimes, de nous-mêmes.
Les travaux sur papier de calligraphie ou bien sur toile, les études sur carnet de croquis cherchent ainsi à décliner des espaces intériorisés ou bien des fragments de nature (feuilles, rochers, troncs d’arbres….), au sein desquels le dialogue du plein et du vide détermine toute association de forme et d’espace.
Cette dichotomie du plein et du vide, révélée très tôt en Extrême-Orient, est depuis toujours le fil conducteur de mes travaux. Elle se lit ou se devine clairement dans le choix des paysages ou des motifs étudiés au fil des ans: les improvisations musicales et calligraphiques dans lesquelles le geste peint, ses évolutions aériennes prennent leur juste mesure dans le vide alentours et animent les réserves de la toile ; les bords de mer à côtes rocheuses, où vides (ciels/mers) et pleins (masses rocheuses/littoraux) se côtoient, se répondent, s’affrontent ou même s’interpénètrent ; les vues montagneuses où s’équilibrent monts en chaîne et la vastitude panoramique environnante ; les divers motifs floraux qui ouvrent sur un nouvel espace de nature.
Dans l’art pictural chinois, toute peinture est le microcosme où s’animent et interagissent, à l’égal du macrocosme de l’Univers, vide, plein, yin et yang, et souffles vitaux. Le souffle, l’énergie vitale sont ici le trait graphique dans ses divers aspects sinueux ; trait qui cerne, sculpte, brouille, incise, déchire le papier en des surfaces plus ou moins vastes ; trait qui creuse, altère la forme rocheuse ou montagneuse à définir, comme l’air, l’eau, la traversée des siècles érodent la masse rocheuse ou aplanissent la montagne. Le souffle vital habite pareillement le corps du pinceau de calligraphie et sa trace peinte, dans les tableaux intitulés Espaces musicaux, et dans ceux clairement inspirés des inflexions propres à la calligraphie chinoise.
Isabel Michaut